F*ck le greenwashing !

En ce début d’année, je comptais vous présenter mes produits favoris en 2019. Mais, hier je suis tombée sur un article de Marie-Claire Belgique qui m’a un tantinet énervée, et j’ai directement décidé d’en parler. Désolée par avance à la rédactrice Marine Lemaire, ce n’est rien de personnel, mais j’en ai marre de la désinformation. Si, au départ, je comptais le faire sous forme de story, ma voix d’enrhumée nasillarde ne le permet pas. C’est donc par écrit que je souhaite vous parler de greenwashing.

Le greenwashing, ou blanchiment écologique, est une pratique marketing qui consiste à prêter des vertus écologiques à un produit à des fins de vente. Le greenwashing est un procédé sournois, dont il n’est pas toujours évident de déterminer les contours. Au travers l’article “Beauté : 10 marques clean à tester d’urgence” de Marie-Claire Belgique, je souhaite mettre en lumière quelques trucs et astuces de ce procédé très en vogue.

Ce qui me dérange d’autant plus, c’est que Marie-Claire Belgique possède un large lectorat : plus de 17 000 abonnés sur Facebook, et plus de 13 000 sur Instagram. En présentant des marques de cosmétiques faussement clean, le magazine biaise l’info aux consommateurs. Or, c’est justement, ce que nous, blogueurs écofriendly, tentons de contrer. Nous prenons du temps à analyser, décrypter les compositions et les arguments marketing des marques. Nous échangeons sur les réseaux sociaux, nous faisons un travail de fond, pour la plupart du temps, bénévole. Il est déjà difficile de s’en sortir en tant que consommateur, tellement le greenwashing est insidieux, alors si des médias de masse ne prennent pas le temps de faire ce même travail de qualité et pratiquent l’art de la désinformation, où allons-nous ?

Clean, ça veut dire quoi ?

Dans l’introduction de son article, Marie-Claire Belgique mentionne “Avec des listes d’ingrédients toujours plus courtes et des composants toujours plus clean, les marques de cosmétiques révolutionnent l’industrie de la beauté. Pour prendre soin de soi et de sa peau, rien ne vaut des produits simples et efficaces, réalisés en toute transparence. Voici notre sélection de labels de cosmétiques clean à tester de toute urgence.”

Tout d’abord, “clean” ou “propre” en français, n’est pas une terminologie officielle, comme peut l’être “bio”. C’est un langage générique désignant une cosmétique plus propre, avec des ingrédients moins toxiques et réduits au minimum.

En gros, clean, ça ne veut rien dire.

Ensuite, je constate l’utilisation abusive du terme “label” qui déroute le lecteur, le poussant à croire que les marques mentionnées dans l’article possèdent bel et bien un label cosmétique clean. Or, il n’existe pas de label de cosmétique clean. Comme l’explique très bien cet article d’ecoconso.be, “pour être labellisé, le produit doit respecter des règles établies dans un cahier des charges : interdiction ou autorisation de certaines matières premières, de certains processus de fabrication… Pour la plupart, un organisme indépendant est chargé de vérifier le respect des critères.”

Voici ci-dessous une série de labels officiels.

Si un label apporte une garantie, nuançable certes, pour le consommateur, certaines marques qui n’en possèdent pas peuvent malgré tout développer des produits à la composition excellente. En effet, certaines d’entre elles possèdent leur propre cahier de charges et communiquent en toute transparence à ce sujet.

Néamoins un label peut déjà vous aider pour lutter contre le greenwashing.  Voici quelques autres aspects auxquels je vous invite à veiller lors de vos achats.

Un discours transparent

L’une des premières astuces pour détecter le greenwashing, c’est lorsqu’une marque fait preuve de manque de clarté et de transparence. Commencez par consulter son site internet.

Un beau discours, bien emballé, c’est juste du marketing, mais s’il n’y a pas de liste claire des ingrédients, d’arguments factuels, d’explication précise quant aux conditions de travail, etc., vous pouvez clairement vous méfier.

La 1re marque mentionnée dans l’article est Seasonly.

Marie-Claire Belgique, 05/01/2020

Sur le papier, tout ça parait très prometteur. Que dit le site Internet de Seasonly ?

Site web Seasonly, page Clean Beauty

Une autre astuce, c’est si vous détectez des fautes d’orthographe. Personnellement, j’y accorde beaucoup d’attention, et bien sûr, une coquille peut arriver, mais dans une accroche, sérieusement ?

Le site web est jeune, frais, et les engagements sont présentés sous forme de 4 courtes vidéos. Malheureusement le discours de la marque Seasonly (ab)use d’un langage creux, rempli de fausses promesses :

  • “naturalité du bio”: un beau néologisme, qui fait prometteur, mais qui ne veut strictement rien dire.
  • “sans ingrédients controversés” : quels sont ces ingrédients controversés dont la marque fait mention ?
  • “beauté meilleure” : terme flou, qui ne veut rien dire. Pur marketing.
  • “formules naturelles”,ingrédients sains, efficaces et bons pour la peau” : rien de concret derrière ces assertions, pur marketing.
  • “packaging le plus souvent recyclé” : la marque ne précise pas quel pourcentage ni en quelle matière, ni si elle compte s’améliorer sur ce point dans le futur.
  •  “no list” : ce terme fait pseudo-scientifique, mais il n’appartient qu’à la marque. Lorsqu’on veut en savoir plus sur la “no list”, on est renvoyé sur la page “Journal” (une page de type blog) avec des articles sur des sujets divers. Mais absolument pas la liste des ingrédients interdits.

Ces quelques exemples sont des délits flagrants de greenwashing : arguments non fondés, manque de preuves/exemples concrets, termes imprécis et flous, généralités, allégations pseudo-sciencitifiques.

Second choix douteux de Marie-Claire Belgique ? Garancia.

Marie-Claire Belgique, 05/01/2020

Très belle publicité marketing de la part du magazine : “high tech” et “naturelle” “critères d’efficacité et de sanité”, “de véritables potions magiques”. J’aurais aimé entendre parler de label bio, de cruelty free, de fournisseurs locaux. Bref, du concret. Quant à l’analyse de la composition du soin-phare, allez voir plus loin dans l’article.

Enfin, il en va de même pour la marque The Ordinary où le magazine parle à nouveau de “label” et vante la démarche minimaliste : “formulations courtes”, “petits prix”, “packaging épurés”, “intégrité”, et “transparence”. Beaucoup de promesses, sans réelles argumentations. Si minimalisme il y a, c’est plutôt concernant le packaging et le nom des produits, hyper épurés. Mais pour la composition…j’y reviendrai.

Marie-Claire Belgique, 05/01/2020

Simplicité de la composition

Outre le discours, il est encore plus intéressant de s’intéresser à la composition d’un produit. Plusieurs applications/sites web permettent de décrypter une composition : La Vérité sur les Cosmétiques, INCI Beauty, EWG Skin Deep en sont trois exemples.

De manière générale, les deux principes suivants s’appliquent :

  1. Plus la liste est courte, mieux c’est.
  2.  Les ingrédients sont présentés par ordre de quantité décroissant. En deçà de 1%, ils peuvent apparaitre dans n’importe quel ordre. Un perturbateur endocrinien présent à 0,9% pourra donc apparaitre avant une huile essentielle présente à 0,1%.

Chez Seasonly, regardons leur produit phare : le Soin de Jour l’Unique. Gros problème : la liste des ingrédients n’apparait nulle part. Il m’est donc impossible de connaitre la composition du soin. C’est plutôt louche de se dire clean sans indiquer les ingrédients, n’est-ce pas ?

Second produit choisi au hasard, la crème yeux repulpante avocat. Au passage, votre œil avisé aura directement repéré le greenwashing visuel, ce faux label “clean beauty”.

Seasonly

Si on regarde la (modeste) liste des 17 ingrédients, à quoi faut-il être attentif ?

Ingrédients : Aqua, Caprylic/Capric triglyceride, Glycerin, Glyceryl stearate, Helianthus annuus seed oil, Leuconostoc/radish root ferment filtrate, Persea gratissima fruit extract, Sclerotium gum, Lysolecithin, Parfum, Sodium benzoate, Maltodextrin, Xanthan gum, Pullulan, Citric acid, Tocopherol, Squalene,Beta-sitosterol

  • Le 2e ingrédient est une huile estérifiée (Caprylic/Capric triglyceride). Son avantage majeur ? Son faible coût. Par contre, elle est suspectée d’être toxique pour l’environnement. Pas très clean tout ça.
  •  Le glyceril stearate est un dérivé d’huile de palme. Pas ecofriendly du tout.
  •   Parfum : irritant, dérivé de produit pétrolier, allergène et potentiel perturbateur endocrinien. A éviter dans les cosmétiques.
  •  Sodium benzoate : conservateur potentiellement allergisant.
  •  Squalène : huile d’originale animale. L’article des Happycuriennes parle du squalène  : “obtenu à partir d’un procédé d’extraction du foie du requin qui entraine la mort/maltraitance de l’espèce, ainsi que le phénomène du « livering », consistant à rejeter la carcasse du requin à la mer après prélèvement du foie .” Je me demande soudainement pourquoi Marie-Claire Belgique mentionne que la marque est vegan.

Vous l’aurez compris, le discours clean de Seasonly sonne creux. Dommage d’ouvrir un article avec une telle marque.

Si on regarde les ingrédients du best-seller Garancia, le Pschitt magique nouvelle peau, même constat :

AQUA (WATER/EAU)*, GLYCERIN*, COCO GLUCOSIDE*, CITRUS LIMON (LEMON) FRUIT EXTRACT*, ROSA DAMASCENA FLOWER WATER*, CENTAUREA CYANUS FLOWER WATER*, HAMAMELIS VIRGINIANA (WITCH HAZEL) WATER*, CAPRYLYL/CAPRYL GLUCOSIDE*, LACTOBACILLUS*, PROPYLENE GLYCOL, CAMELLIA SINENSIS LEAF WATER*, CUCUMIS SATIVUS (CUCUMBER) FRUIT EXTRACT*, COCOS NUCIFERA (COCONUT) FRUIT EXTRACT*, BACILLUS FERMENT*, PAPAIN*, ALGIN*, POTASSIUM SORBATE, CITRIC ACID, PARFUM (FRAGRANCE), CARBOMER, 1,2-HEXANEDIOL, CAPRYLYL GLYCOL

Plus de vingt ingrédients pour la composition de ce micro-peeling ! Ce n’est vraiment pas révélateur d’une démarche minimaliste, écoresponsable et bio. Quant à la composition, elle laisse vraiment à désirer :

  •  On a très rapidement du propylene glycol et du papain : réputés irritants, toxiques et allergènes.
  •  Algin : perturbateur endocrinien
  • Potassium sorbate : toxique et allergène
  •  Parfum
  •  Carbomer et 1,2-hexanediol: potentiellement irritants

Revenons au soi-disant minimalisme de The Ordinary, qui affiche pas moins de 24 ingrédients pour sa solution peeling mise en avant dans Marie-Claire. Chapeau pour la formulation courte, non ?

Ingredients

Glycolic Acid, Aqua (Water), Aloe Barbadensis Leaf Water, Sodium Hydroxide, Daucus Carota Sativa Extract, Propanediol, Cocamidopropyl Dimethylamine, Salicylic Acid, Potassium Citrate, Lactic Acid, Tartaric Acid, Citric Acid, Panthenol, Sodium Hyaluronate Crosspolymer, Tasmannia Lanceolata Fruit/Leaf Extract, Glycerin, Pentylene Glycol, Xanthan gum, Polysorbate 20, Trisodium Ethylenediamine Disuccinate, Potassium Sorbate, Sodium Benzoate, Ethylhexylglycerin, 1,2-Hexanediol, Caprylyl Glycol.

Pour l’analyse en profondeur du produit et de la marque en général, je vous invite à regarder la vidéo de la Petite Gaby.

En conclusion

J’espère que cet article vous aura mis en lumière quelques astuces pour lutter contre le greenwashing et être plus vigilant face à certaines informations douteuses. Surtout, ne vous fiez pas au discours d’une marque, mais creusez !

Et rassurez-vous, l’article de Marie-Claire Belgique met quand même en avant d’excellentes marques engagées dans une réelle démarche durable : La Canopée, Tata Harper, MakeSenz et Bobone font partie de mes chouchous beauté. Et pour voir d’autres cosmétiques éthiques, consultez ma page Beauté.

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9 commentaires
  1. Hello,
    Bravo pour ton article ! Malheureusement la plupart des gens n’ont pas le temps de chercher à comprendre, creuser, apprendre quels ingrédients sont clean ou pas…. Et ce genre de magazine les induits en erreur (en plus la personne qui a rédigé l’article ne sait pas de quoi elle parle). On voit bien le succès des vraies marques clean et engagées, qui montrent ce qu’elles font, leurs engagements, mais aussi leurs erreurs parfois ! Celles-ci méritent tout notre soutien !
    À bientôt,
    Claire

    1. Merci, je trouve ça tellement dommage que les marques profitent du manque de connaissances scientifiques des gens pour les berner !

  2. Merci pour ton article bien construit! Il serait temps que les journalistes se remettent à faire le travail pour lequel ils/elles sont formé/es : vérifier les infos (oui, ça prend du temps, oui ça demande de l’énergie) et les transmettre à la population, peu importe leur domaine. J’ai l’impression que les blogueuses font mieux ce taf par passion qu’eux/elles…

    1. Merci beaucoup, les journalistes sont pris dans des contraintes temporelles incroyables et n’arrivent plus à faire des articles de fond, c’est bien dommage que les médias traditionnels restent malgré tous les plus lus…

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