5 idées reçues sur l’écoféminisme

Quand j’ai rédigé mon premier article sur l’écoféminisme, j’ai reçu plusieurs critiques virulentes. Et c’est normal. C’est un mouvement relativement jeune en Belgique et en France, très méconnu, et sujet aux raccourcis de pensée. Or, la puissance de l’écoféminisme est justement sa pluralité, sa diversité, son intersectionnalité. Lorsqu’on aborde un thème aussi complexe, on sera toujours forcé, par les phrases, la structure linguistique, de poser un cadre, de résumer ou de synthétiser. Je m’en excuse d’avance.

Néanmoins, il ne faut pas confondre simplification et simplisme.

L’écoféminisme est un mouvement mouvant, en évolution permanente, aux diverses ramifications. Je le vois comme un arbre majestueux, aux racines profondément ancrées dans le sol. Nous en sommes la sève, nous lui donnons force et vigueur. Pour parler de l’écoféminisme dans le cadre du Mars Sorore d’Asmae sur Instagram, je suis repartie de 5 idées reçues. Histoire de les déconstruire et poser des bases saines.

1. L’écoféminisme veut instaurer le matriarcat

Si l’écoféminisme souhaite renverser le patriarcat, en déduire qu’il veut mettre en place une société dominée par les femmes relève du sophisme. L’écoféminisme souhaite la mise en place d’un système égalitaire, où tous les êtres vivants ont la même valeur. D’un système pyramidal, on bascule vers un système circulaire.

L’écoféminisme considère qu’il existe deux types de dominations aux mêmes similitudes : les femmes sont dominées par les hommes et la Nature est dominée par l’humain.

2. L’écoféminisme dit que c’est la faute des hommes

Non, l’écoféminisme dit que c’est la faute du système patriarcal et capitaliste. C’est  un système, et non un genre, que l’écoféminisme veut révolutionner : le système patriarcal et capitaliste.

Les hommes sont aussi imbriqués dans ce système patriarcal. C’est donc bien moins évident que cela. L’écoféminisme n’est pas fermé aux hommes, au contraire. Plus nous serons nombreuses.ses, plus nous pourrons lutter politiquement contre les oppressions de ce monde.

3. L’écoféminisme est une affaire de Blanches

L’écoféminisme a émergé dans plusieurs parties du monde, et est surtout connu pour son développement dans les pays dits du Sud. L’une des figures les plus connues est Vandana Shiva, en Inde, qui milite pour une agriculture paysanne traditionnelle et bio.

Quant à la Keyenne Wangari Muta Maathai, elle a fondé en 1977 le mouvement de la Ceinture Verte pour défendre les forêts de son pays.

En Angleterre, l’un des mouvements pionniers est le GreenHam Common, dans les années 80. S’il est vrai qu’au départ, ce mouvement regroupe surtout des Blanches, de milieu modeste à aisé, très vite, les 30 000 femmes qui le composent sont de toute ethnie, religion, et de toute condition.

L’écoféminisme est anti-féministe

Certaines voix s’élèvent en disant que l’écoféminisme essentialise la femme, étant par là anti-féministe, puisque le féminisme veut justement sortir de l’idée que la « femme est par essence plus proche de la Nature ». Si effectivement l’écoféminisme souligne que les femmes ont une relation particulière à l’environnement, la raison relève d’une construction culturelle et non de génétique. De même, les femmes ont été culturellement reléguées à un rôle plus social, celui de s’occuper des vulnérables (théorie du “care”). Puisque la crise climatique atteint en premier les plus vulnérables et que l’environnement et la biodiversité sont eux-mêmes en position de vulnérabilité, les femmes sont effectivement plus engagées actuellement dans les enjeux environnementaux. L’écoféminisme souhaite que ce « care », ces savoirs et compétences soient étendus à toute la société, et valorisés à leur juste valeur.

L’écoféminisme se fout du bien-être animal

C’est faux, la question du bien-être animal a toute sa place dans l’écoféminisme. Les animaux sont aussi victimes du système actuel. L’instrumentalisation des animaux est similaire à celle des femmes, longtemps (et encore dans beaucoup d’endroits), cantonnée à un rôle reproducteur, d’appartenance à autrui, de domestication. Puisque l’écoféminisme veut supprimer tout type d’oppression, il en découle naturellement une volonté de faire cesser le spécisme : « Les animaux du monde ont leur propre raison d’exister », souligne Alice Walker. Il en va du respect envers les animaux mais aussi de justice alimentaire et intergénérationnelle : la majorité des terres cultivables sont utilisées pour l’élevage ou pour nourrir des animaux destinés à être mangés. On prévoit en 2050 plus de plastique que de poissons dans les océans. Face à ce constat, la transition végétalienne s’impose et occupe pleinement la lutte écoféministe.

Tout est à reconstruire. C’est la puissance et la magie de l’écoféminisme.

Pour aller plus loin

  • Podcast Les Rencontres de Gaïa
  • Podcast Les Couilles sur la table, épisode “Le patriarcat contre la planète”
  • “Ecoféminisme”, Maria Mies et Vandana Shiva
  • “Feminism and the Mastery of nature”, Val Plumwood
  • “Etre écoféministe, une enquête philosophique”, Jeanne Burgart Boutal
  • “Après la pluie”, Solène Ducrétot
  • “Reclaim”, Emilie Hache (maintenant traduit en français)
  • Collectif Les Engraineuses

Illustration de couverture : Clair de Lune

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